Hier, j’étais invitée à participer à une table ronde, lors d’une conférence à Elven (56) : La place de l’Abeille dans notre vie de tous les jours : hier, aujourd’hui et demain (enjeux et risques) ?
Et je me suis interrogée sur la place de l’Abeille, dans notre droit, actuellement. Comment l’abeille, les insectes pollinisateurs sont-ils protégés? Quelles politiques publiques peuvent être mobilisées pour préserver l’environnement des abeilles ? Voici quelques éléments de réponses.
Le droit de l’environnement repose sur 9 principes fondamentaux, certains ont été créés par la charte de l’environnement de 2005, et d’autres ont été introduits plus récemment par la loi sur la biodiversité en 2016. Ces 9 principes sont le principe de précaution, le principe de prévention, le principe pollueur-payeur, le droit à l’information, la participation du public, la solidarité écologique, l’utilisation durable des ressources, le principe de complémentarité entre l’environnement et d’autres activités, le principe de non régression du droit de l’environnement. Nous ne verrons que les 5 premiers, beaucoup plus documentés pour le moment. Chaque principe peut être utilisé pour préserver l’abeille, les pollinisateurs et leurs milieux, qu’il soit forestier, aquatique, naturel ou agricole.
Précaution et abeilles
Le principe de précaution vise à protéger l’environnement, et à prévenir les dommages qui lui pourraient lui être causés, avant même qu’il y ait un impact, et en l’absence de preuves scientifiques. C’est grâce à ce principe, par exemple, que les entreprises créant des produits chimiques doivent évaluer les risques environnementaux sur les milieux et la faune, dont les insectes et les abeilles, avant leur mise sur le marché. C’est notamment grâce à lui, qu’il y a des interdictions d’usages ou des préconisations techniques pour l’application de certains produits, comme les produits phytosanitaires, au niveau des espaces naturels et des milieux aquatiques, en bord de champs ou dans les communes.
Prévenir les atteintes aux pollinisateurs et aux milieux
Le principe de prévention vise à éviter les atteintes à la biodiversité, à les réduire, et s’il en reste à les compenser. C’est ce principe qui conduit certains aménageurs, qui construisent des routes, des équipements sportifs, des centres commerciaux, dans des espaces naturels, à recréer des espaces de biodiversité. Il pourrait être intéressant de regarder quelle est la place des insectes pollinisateurs dans ces études et ces projets de réaménagements, si par exemple, l’accès à des points d’eau ou aux ressources alimentaires des abeilles et autres insectes est pris en compte.
Les politiques de zonages environnementaux répondent également à ce principe, pour préserver des espaces naturels des activités humaines. Je pense notamment aux sites Natura 2000, aux espaces boisés classés, aux parcs nationaux, ou zones humides protégées. Ce sont des espaces de tranquillité pour les abeilles, et les insectes. Peu ou pas d’intervention humaine. Cela favorise les ressources alimentaires pour les insectes : fleurs, ronces, fruits, ou les espaces de nidification pour les insectes : vieux troncs, sols non labourés, murets en pierre abandonnés…
Ces espaces naturels sont à privilégier, et cela peut être le rôle des communes, des communautés de communes de les préserver, pour permettre aux pollinisateurs de se nourrir, de créer leurs nids… Cela peut passer par le label « Commune Zéro Pesticide » ou par des espaces de fauche tardive pour laisser pousser les fleurs sauvages. La trame verte et bleue, par exemple, peut être un très bel outil pour créer des corridors écologiques sur les communes, identifier des espaces de tranquillité pour la faune et la flore, et ainsi proposer des refuges pour les abeilles et les pollinisateurs.
Le principe pollueur-payeur et les pollinisateurs
Il existe un 3ème principe très important actuellement, le principe pollueur payeur. Cela implique que celui qui pollue les milieux naturels, payent les réparations. Plusieurs redevances reposent sur ce principe : la redevance eau, la redevance pour pollution diffuse. Et elle permet de financer de nombreuses actions pour préserver l’environnement, notamment à travers les subventions des agences de l’eau. C’est aussi sur lui, que le Juge s’est appuyé pour créer le préjudice écologique, dans l’affaire du naufrage de l’Erika, cela avait permis d’indemniser les ostréiculteurs et les dégâts causés aux littoraux. Depuis, le préjudice écologique a été consacré dans le Code Civil, par la loi de 2016 pour la biodiversité. Cet outil juridique permet ainsi à la société civile, de demander réparation pour un préjudice subi au niveau environnemental. Il nécessite dans ce cas, de vérifier le lien de causalité entre le dommage écologique et l’activité suspectée de l’avoir créé. Une piste à explorer en cas de dommages importants sur des ruchers par exemple.
L’information du public : une priorité pour protéger les insectes
Selon le principe d’information, toute personne doit avoir accès à l’information sur l’environnement détenue par les personnes publiques, et sur toutes décisions prises par les personnes publiques impactant l’environnement. Tous les outils de connaissance de la faune et de la flore, les inventaires du Muséum auquel participe l’OPIE, l’association dont je suis membre, les applications Grand Public comme le SPIPOLL, l’application de photographie des insectes du jardin et toutes les stratégies de diffusion et de sensibilisation du citoyen vont dans ce sens. Les données scientifiques, notamment les populations d’insectes, les comportements des ruchers, le rôle des pollinisateurs dans notre société (la pollinisation des arbres fruitiers, des fleurs,…), doivent permettre aux citoyens de prendre conscience de l’importance de prendre soin de la nature, des milieux naturels et de toute la faune et de la flore. C’est un point central, et ce soir, ce colloque y participe pleinement. C’est notre devoir d’informer, de communiquer les chiffres, d’éveiller les consciences.
Participation du public : donner son avis et créer des projets citoyens pour les abeilles
Le dernier principe, celui de la participation du public est aussi fondamental. Tout citoyen peut donner son avis sur les décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. C’est le fondement des enquêtes publiques, des consultants du public en ligne sur des grands projets d’aménagement, ou pour un PLU ou un SCOT, les budgets participatifs des communes dédiés à l’environnement, ou encore la participation des associations environnementales aux instances de décision. Chacun peut œuvrer pour la protection de l’environnement, à son échelle, avec ses moyens, il peut donner son avis, et proposer des solutions. Et cela vaut aussi pour les abeilles et les insectes pollinisateurs. L’OPIE a notamment créé en ce sens, le plan national des pollinisateurs, avec le ministère de l’écologie, pour impliquer tous les acteurs dans la protection des pollinisateurs : collectivités territoriales, associations environnementales, citoyens, agriculteurs, forestiers, gestionnaires d’espaces naturels…
Conclusion : faire émerger des projets pour les abeilles
Il existe plein de projets intéressants pour préserver les abeilles, sensibiliser les enfants et les citoyens, créer des partenariats : comme les ruchers partagés, les hôtels à insectes, des jardins partagés avec des ressources mellifères, des partenariats entre apiculteurs et agriculteurs pour préserver des prairies fleuries, ou semer des fleurs près des champs, ou avec des forestiers pour préserver des parcelles boisées sans intervention humaine…. créer des îlots de biodiversité.
Nos territoires peuvent être des laboratoires d’idées, d’expériences, de projets écologiques citoyens. Laissons émerger nos idées, nos envies, et nous pourrons certainement créer une société où les hommes et les abeilles peuvent vivre en paix.